MORBIDE QUE CELA EN DEVIENT BURLESQUE
Voilà un poète qui a certainement participé à la construction du mythe du poète qui souffre et que lon torture, souffrance et torture étant des conditions sine qua non pour la valeur poétique des poètes ainsi intronisés, baptisés par le pus et le sang.
Sans vouloir psychanalyser Théophile de Viau disons cependant que dans une période de violence extrême et dabsence de stabilité politique et sociale il prend une position, une attitude que certains diraient aisément autistiques, certainement psychotiques.
Il défend systématiquement des positions qui sont nondominantes et même nonacceptées dans sa société ambiante et les maintient contre vents et marées, contre ségrégation et prison, contre soyezen sûr torture et persécution.
Il senveloppe dans la croyance que ce quil dit est la vérité et que tout le monde devrait le reconnaitre et que donc il est comme un prophète et il doit être persécuté, il doit être crucifié, il doit mourir de lassertion de ses vérités popur quun
monde nouveau puisse naître.
Mythe Christique sil en est un,
Chaque strophe de chaque ode ou sonnet exprime de cent façons son désir dêtre autre et son acceptation que pour être autre il faut assumer que lon vous en fera souffrir pour vous faire payer le prix de la différence et que la mort quon dira précoce en est le droit de passage, mais de passage de lautre côté de la vie bien sûr, et en ùmorceaux si nécessaires pour satisfaire les besoins sadiques des acteurs de cette torture et msie à mort grotesques.
Quand il quitte ce domaine de la persécution il se laisse aller à un bucolisme existentiel, jentends quil peut décrire le monde naturel comme dans son ode Le Matin mais il ne tiendra que deux strophes avant de sintroduire dans le paysage, sous une forme collective dabord La lune fuit devant NOS yeux mais moins de deux strophes plus loin il se positionne en plein centre JE vois le généreux Lion et on peut se demander dans quel pays il est pour avoir un lion en liberté.
De positionner ce JE en plein centre de la nature rend cette nature ombilicale, égocentrée et on perd la beauté même de ce monde naturel qui avait commencé bucolique et devient agricole avec charrue, chanvre et rouet sans parler du métier à tisser, sans cependant quil chante la beauté du travail humain et des inventions mécaniques de lhumanité.
Ce nest quun décor,
Et il finit avec une note si autocentrée quelle en prend une charge franchement égotiste, Il réduit tout ce spectacle à un lever de lui et dune certaine Phyllis, femme plus mythique dans sa poésie quautre chose, et la nature est alors réduite aux lys et aux roses quil voit fleurir sur son visage, entendons bien le blanc et le rouge de ce visage, mais aussi les lys de son propres nom, ou lis comme il les orthographe.
Notons que cest une vision qui hante le poète, une image métaphorique déjà employée dans son texte À Socrate où il la pose, mais en ordre inverse, du paysage au visage de Phyllis et non du visage de Phyllis au paysage :
Si je passe en un jardinage / Semé de roses et de lis, / Il me ressouvient de Phyllis / Qui les as dessus son visage.
À Socrate
Il est jour, levonsnous, Phyllis, / Allons à notre jardinage / Voit sil est comme ton visage, / Semé de roses et de lis, Le matin
Je dois dire que cette égocentricisation de la nature travaillée par lhomme plus que naturelle me laisse un peu froid car cela détruit justement la beauté bucolique naturelle et la réduit à nêtre quun cadre, un environnement, un décor à lui, le poète, et son amante mythique.
Si vous aimez la matière lacrymale lisez les poèmes qui traitent de la torture, de la mort, entendez de la torture du poète et de sa mort comme par exemple dans ses Stances :
La frayeur de la mort ébranle le plus ferme :
Il est bien malaisé,
Que dans le désespoir, et proche de son terme
Lesprit soit apaisé.
Je dois dire quaprès le Lacrimosa de Mozart, anachronisme oblige, même sil nest pas de lui, je dois dire que la frayeur de la mort est bien médiocre.
La mort est lévénement majeur dune vie et même si elle est le résultat de je ne sais quelle torture, elle est le point final et lélément majeur dune vie.
En fait ce nest pas la mort dont il parle mais simplement de la souffrance qui la précède, que cette souffrance soit physique ou morale, voire mentale.
Et sa façon de toujours fuir le concret humain pour senfermer dans le divin comme si la Saint Barthélémy était le fait dune décision divine, comme si Ravaillac était le pion de Dieu, comme si luimême nétait que la cible, la victime, la proie de ces sphères célestes et non de multiples agents humains à la fois pervers et politiques, et mème politiques dans leurs perversions, cette fuite en avant est déconcertante.
Mais écoutons un peu de ce délire plus divinatoire que divin :
Ah ! que le céleste courroux
Etait bien embrasé sur nous,
Lorsquil fit parler ses Oracles,
Et que sans détourner nos pas
Il nous vit courir aux appas
De leurs pernicieux miracles.
Et je dois dire que les notes de JeanPierre Chauveau naident pas toujours dans ces métaphores contournées pour parler du réel politique sans encourir la censure.
Le courroux céleste cest le Roi ou la Régente avec les Oracles ses Italiens et ses juges et loin de fuir ne voilàtil pas que les victimes se ruent vers les bonbons de cette justice, vers les prisons et les salles de torture comme pour justifier de leur existence, de leur vérité, de leur être dans la souffrance que ces bonbons apportent, des bonbons empoisonnés qui vous font mourir de saturnisme lent sinon de satanisme dévoreur.
Bonne lecture et tendre délire, Seul votre délire sauvera cette poésie de sa versification parfaite qui se morfond dans une morbidité maladive et mortuaire,
Dr. Jacques COULARDEAU
Présente un choix de poèmes de ce poète huguenot du XVIIe siècle, resté fidèle jusqu'au bout à ses convictions et ses engagements.
Le volume ajoute plusieurs textes en prose, en particulier des lettres, .